Mon frère africain,
Je sais qu'il est coutume de former des résolutions à la veille d'une nouvelle année calendaire.
Pour 2006, je n'ai pas du tout envie d'en formuler.
D'abord parce que je n'ai pas envie de me résoudre à quoi que ce soit et encore moins de délimiter cela dans le temps, ensuite parce que depuis que les décisions de l'ONU sont formulées sous la forme de résolutions qui ne sont jamais appliquées, ce mot vidé de tout sens me révulse.
A défaut de résolutions donc, je m'en tiendrai plutôt à quelques voeux, même si je sais que certains seront malheureusement pieux...
Mon frère africain,
Après avoir investi notre continent, exploité ses richesses, asservi ses populations, sans omettre de les réduire parfois à l'esclavage, les puissances coloniales ont décidé de se partager nos ressources, de tracer des frontières ad hoc sans demander quoi que ce soit à quiconque. Puis elles ont concédé des indépendances aux différents pays de ce continent maudit, s'assurant de nous garder dépendant d'elles.
Alors aujourd'hui, lorsque la misère est trop forte, que tu n'as plus de quoi faire vivre les tiens, tu assumes le risque de mourir pour rejoindre cette chimère qu'est l'occident. Fut-ce-t'il au prix de ta vie, tu ne vois plus le salut que dans cette saleté d'émigration vers ce mirage d'Eden brûlé où personne ne veut de toi. Visa disent-ils. En ont-ils demandé lorsque eux sont venus sur ta terre?
Et quitte à traverser le désert et à y laisser ton âme, à te noyer dans le détroit, à recevoir des balles au seuil d'une frontière, la rage aux trippes, contre vents et marrées, tu ne renonces pas et recommenceras autant de fois qu'il le faudra cette fuite vers le Nord.
Cet automne, je t'ai vu mon frère africain, à la porte de Melilla, humilié, traité tel un animal. Dans mon pays, le Maroc. Tu n'étais là qu'en transit et transi de foid et de faim on t'a abandonné, rejeté, refoulé. Comme un malpropre que tu n'es pourtant pas. J'ai eu envie de mourir de honte le jour où je t'ai vu hurler face à la caméra, étouffé par tes sanglots "tu vois cette couleur sur ma peau, c'est noir, et c'est pas bon ça, c'est pas bon".
Alors voilà, je fais le voeu mon frère africain, que tu n'aies plus jamais honte de la couleur de ta peau, pas dans mon pays, que tu n'aies plus jamais à subir la honte que mon pays t'a fait subir. Je fais le voeu qu'en mon pays tu verras un jour une terre hospitalière qui saura t'ouvrir les bras. Je fais le voeu naïf que face à la pandémie de Sida qui te brûle à petit feu, les laboratoires du Nord accèpteront un jour de songer un petit peu moins aux profits, et qu'ils te laisseront utiliser des médicaments génériques qui te maitiendront en vie. Je fais le voeu qu'un jour l'occident s'intéressera à toi avant que les caméras ne montrent épisodiquement tes enfants mourir de faim. Je fais le voeu qu'on ne laissera plus les génocides avoir lieu en les regardant, sourire aux lèvres et les bras croisés.
Et je fais le voeu, plus personnel, qu'un jour, à moi marocain, tu me pardonneras pour ce que tu as subi dans mon pays.
Mon frère africain, je te souhaite une meilleure année.
Fraternellement.
Amine.
J'ai eu les larmes aux yeux en lisant ton post sincère...
Tu sais ce ne sont pas que les gens sans visas qui sont humiliés, mais bien des personnes en droit d'entrée mais dont le pb est leur couleur de peau! à lire sur le blog d'un ami à moi le post "encore une histoire de negro": http://martialkakanou.blogspirit.com/
Amitiés
At 1/02/2006 07:18:00 PM, Amine
Lili> Merci bcp pour ton commentaire et le lien vers le blog de ton ami.
Ce qu'il rapporte est vrai, Il n'en cite pas les sources, mais, parmi d'autres medias, Liberation (France) en a parlé il y a peu.
Le lien: http://www.liberation.fr/page.php?Article=342857
Et comme certainement sous peu l'article ne sera plus accessible gratuitement et deviendra payant (archives), je fais un copy/paste:
«On m'a battu, violenté et insulté pour rien, juste parce que je suis noir»
En transit à l'aéroport de Madrid après un vol en provenance de Dakar, Magatte Mbengue, journaliste français de 37 ans, a été violemment frappé fin novembre par la police espagnole sans explication • Témoignage •
par C.A.
LIBERATION.FR : mardi 06 décembre 2005 - 12:01
Il ne fait pas toujours bon transiter par l'aéroport de Madrid quand on est noir. Pas africain, noir. Samedi 26 novembre, Magatte Mbengue, journaliste indépendant français de 37 ans, a été sérieusement maltraité lors de son passage par la capitale espagnole, en provenance de Dakar, où il était en vacances, et en route pour Paris.
«Samedi 26 novembre 2005, le vol Iberia 6971 arrive à 10h07 à Madrid en provenance de Dakar, Sénégal. Je sors de l'avion, en haut de la passerelle, un policier espagnol à qui je tends mon passeport, car l'hôtesse de l'air nous avait indiqué de tenir nos passeports dans la main. Le policier prend mon passeport, y jette rapidement un coup d'œil et le met dans sa poche déjà débordante d'autres passeports, sans me dire bonjour ou quoi que ce soit. Je lui demande en anglais s'il y a un problème. Il me répond : “Autobus de transit”, en m'indiquant le bus garé en bas de la passerelle. Je lui dit “Sorry”. Sa réponse fut la même avec un ton d'énervement. Aucune explication.
Je descends et monte dans le bus. Ce mauvais traitement, discourtois et sans explication, m'agace. J'envoie un SMS à une amie à Paris pour dire qu'on a confisqué mon passeport. Après cinq minutes, le policier monte dans son véhicule, une Renault Kangoo blanche. Elle démarre et le bus suit derrière. Arrivé dans le hall de l'aéroport, je croise un gars avec qui j'ai pris l'avion à Dakar. Comme moi, il est noir. Comme moi, il a un passeport français. Comme moi, on lui a confisqué son passeport. Je découvre alors à ma grande surprise que presque tous les Noirs ont vu leurs passeports confisqués. Je suis choqué et dis à mon compagnon de voyage que je vais protester, car la police n'a pas le droit de retirer nos passeports sans motif, ni explication, et s'il doit y avoir un contrôle, il doit s'appliquer à tous et dans les mêmes conditions. Il ne doit pas y avoir un contrôle pour les passagers blancs, et un autre pour les passagers noirs.
Les personnes, toutes noires, en majorité africaines, à qui on a confisqué le passeport, sont parquées comme du bétail, autour d'un banc à une dizaine de mètres du guichet de contrôle de la police des frontières.
Je décide de me présenter au guichet, réservé aux ressortissants de l'Union européenne, et de ne pas attendre avec le groupe des «confisqués». Arrivé au guichet, je dis au policier que son collègue a retiré mon passeport et je lui présente ma carte d'identité. Je lui dis que je reste là et que son collègue doit me ramener mon passeport, ici.
Il s'énerve, sort du guichet et voulant m'attraper, je lui dis de ne pas me toucher. Il insiste, m'attrape. Je me débats. Arrivent alors au moins quatre de ses collègues, l'un d'eux a une matraque. Ils sont énervés et crient forts. Ils m'attrapent, m'insultent et m'emmènent violemment vers leur bureau situé dans le fond du hall de l'aéroport, sur la droite du banc où ont été parqués les «confiqués».
Je me débats, je leur demande d'arrêter, je résiste, ils sont quatre. Je m'accroche à tout ce que je trouve sur mon passage. Ils me poussent toujours très menaçants, et continuent à m'insulter. Je reçois des coups dans le dos. On me pousse. Il y a un grand poteau métallique gris en face de moi. Pour éviter de le cogner avec ma tête, je pose mes mains dessus et j'essaie de m'y accrocher. Les policiers enlèvent mes mains. Ils me poussent encore, je reçois de nouveau des coups dans le dos. On arrive presque devant leur bureau. Ils me plaquent devant une porte vitrée, ouverte. Je reçois des coups de poings. Un coup de matraque dans la nuque. Ils sont de plus en plus violents, ils sont de plus en plus énervés et plus nombreux. Une femme policier frêle les a rejoints, elle aussi est très remontée. Elle m'insulte.
On me pousse dans le bureau. A présent, la femme est en face de moi. Elle est aussi agressive. Tout le monde est énervé. Je suis très choqué par tant de violence verbale et physique. On me dit de me taire, sinon on me renvoie dans mon pays, à Dakar. Mon passeport est sur le bureau, j'entends un policier dire que j'habite à Paris.
Je m'aperçois que je saigne de la main droite, le sang coule par terre. Je leur dis : “Regardez ce que vous avez fait, regardez je saigne!” Personne ne semble s'en soucier. Un policier ramasse ma montre, me la remet. Après cinq minutes, un vieux policier sort un rouleau de papier toilette, et me le tend pour que j'essuie ma main qui saigne de plus belle. Je refuse et leur dis que je veux contacter le consulat de France. On me dit de faire ce que je veux. On m'insulte encore. Le policier assis devant l'ordinateur commence à parler français. Je lui dit : “Ah bon, vous parlez français”. Il répond : “Oui”. Un autre policier prend le téléphone situé à l'autre bout du bureau, il parle d'un passager étranger et me tend le téléphone, avant que je prenne le téléphone, il me dit que c'est un interprète. L'interprète me demande alors si j'ai un visa pour entrer en Espagne. Je lui réponds que j'ai un passeport français.
Il me demande de lui repasser le policier. Mon passeport et mon billet sont à présent posés sur le bureau, à côté de moi. Je demande au policier qui contrôle les passeports à l'ordinateur, si je peux les prendre. Il me dit oui et me fait signe de partir. Je surpris, écœuré, et dégoûté. En fait on m'a battu, violenté et insulté pour rien. On ne me reproche rien. Sinon d'être noir, et d'avoir demandé qu'on me traite légalement et avec un minimum de respect. On me reproche d'avoir dit qu'on n'avait pas le droit de me contrôler de cette façon.
Mais pour les policiers, un passager noir d'un vol en provenance d'Afrique n'a aucun droit, et encore moins celui de protester. Quelle que soit la façon avec laquelle il est traité, il doit se taire.
Je sors et me dirige au guichet, il y a un nouveau groupe de passagers fraîchement débarqués qui font la queue. Je contourne la file et me présente au policier, celui qui m'a le premier attrapé. Je lui dis que, étant donné que ses collègues ont déjà procédé à la vérification de mon passeport, qu'ils l'ont examiné sous toutes les coutures, je peux passer sans refaire la queue. Il m'intime l'ordre de mettre dans la file. Je m'exécute. Là, une dame derrière moi, voyant ma main qui saignait, me propose un mouchoir en papier. Je lui dis merci, et lui dit que c'était le travail des policiers espagnols, car tout en me tabassant et m'insultant, ils s'obstinaient à me dire qu'ils faisaient leur boulot.
J'arrive au guichet, je présente mes papiers. Le policier les regarde et me les rend. Par dégoût, j'essuie ma main sur le comptoir. Le policier s'énerve, sort menaçant et violent comme la première fois. Ses collègues arrivent, ils sont six peut-être huit. Ils m'attrapent, je me jette par terre. Ils m'attrapent par les bras et les jambes, devant au moins cinquante personnes, les coups pleuvent, direction le bureau, encore une fois. Arrivé dans le bureau, ils me jettent par terre. Je manque de me cogner avec le bas du bureau. Ils m'entourent en demi cercle. Ils m'insultent et me menacent. Je suis très choqué, je ne dis rien. L'un deux allait m'écraser les parties génitales. Je ferme mes jambes. Je suis très choqué. Je demeure silencieux. Mon silence les désarçonne. Ils finissent par se calmer. Ils me demandent de partir, sur un ton très menaçant. Ils me font comprendre que s'ils me reprennent, ça va mal aller.
Je sors, je refais la queue et je me dirige vers le guichet Iberia, mon passeport et mes billets sont couverts de sang, je les présente à l'agent Iberia. Voyant le sang, il se lève, va chercher quelque chose pour s'essuyer. Il parle à une de ses collègues, peut-être sa supérieure. Il sort du local, revient et me dis de prendre le bus, le même qui m'avait ramené là. Je me dirige vers la sortie, le bus attend. A cinq mètres de la porte, un agent du service d'information de l'aéroport que je n'avais pas vu m'interpelle. Il veut voir mon passeport et ma carte d'embarquement. Je lui tends mes documents trempés de sang. Il est surpris. Il me demande ce qui s'est passé. Je lui raconte. Il est maintenant choqué. Il me propose d'aller dans les toilettes pour me nettoyer la main. Je le remercie et lui dis que je ne voulais qu'une chose : partir d'ici. Voyant ma main qui saignait davantage, il me dit que je ne peux pas partir comme ça. Il me demande d'attendre. Il s'occupe de quelques passagers. Il prend son téléphone et appelle. Il me fait asseoir et m'explique qu'il a appelé le service médical de l'aéroport qui va bientôt arriver. Il est ému et choqué par ce que je lui ai raconté. C'est la première personne, depuis maintenant près de trois quarts d'heure que dure mon calvaire qui me manifeste un peu d'humanité. Je suis touché par son attitude. J'attends.
Au bout de dix minutes, les secours arrivent. L'infirmière regarde ma main, me demande avec quelle compagnie je voyageais. Je lui réponds : “Iberia”. Elle me pose une compresse sur la plaie, et me demande d'appuyer fort. Elle téléphone à Iberia. Fermement, elle exige qu'on lui envoie un chauffeur et un fourgon pour nous transporter à l'infirmerie. J'ai été soigné et on m'a délivré un certificat médical. On m'a conseillé de faire un vaccin antitétanique, dès mon arrivée à Paris. J'étais avec un jeune Français, noir lui aussi, qui devait prendre l'avion à 15h20.»