J’étais à Casablanca au début du mois et un malheureux évènement m’a amené à me rendre au service des urgences de la clinique du Val d’Anfa de Casablanca où un parent proche a dû être conduit suite à une petite alerte. Plus de peur que de mal, fort heureusement.
Tout commença par un appel au SAMU, très professionnel, qui dépêcha très rapidement un médecin au domicile de M. Un diagnostic qui s’avéra très précis car les analyses qui s’en suivirent en clinique ne firent que le confirmer.
Nous appelâmes donc une ambulance pour conduire M à la clinique du Val d’Anfa. Les deux ambulanciers qui en sortirent avaient les ongles crasseux et puaient la sueur. Passons ce premier choc hygiénique. Une fois à l’intérieur de l’ambulance, que ne fut mon horreur de constater que sur le registre des effluves, cela allait crescendo : une odeur nauséabonde d’excréments me donna bien du mal à me retenir de vomir, et un simple doigt passé légèrement sur la paillasse sur laquelle j’étais assis pour accompagner M me permis de mesurer le degré de crasse de ce véhicule. Je pensais soudainement à un quelconque blessé à plaie ouverte qui aurait eu à monter dans cette ambulance : tous les éléments étaient réunis à bord pour provoquer une infection.
(…)
Arrivés à ladite clinique, nous pénétrons par l’entrée des urgences et montons assez vite dans une chambre où un jeune interne nous attend. Quelques membres de la famille, avertis, nous y rejoignent et certains, persuadés de posséder la science infuse et d’avoir eu un diplôme de médecine dans une vie antérieure, ont le verbe haut et assènent le jeune interne de certitudes et de posologies à administrer sans attendre. Ce dernier, sans ciller, se tourne calmement vers A qui lui présente alors avec minutie le dossier de M et lui décrit sa médication actuelle. « Les autres », réalisant que leur parole ne suscite plus d’attention, se taisent enfin. A n’épargne aucun détail pour s’assurer de ne rien omettre qui pourrait donnait lieu à des contre-indications. Le jeune interne, affable, explique alors de manière académique son approche, décide de mettre immédiatement M sous sérum et de lui administrer un antibiotique à large spectre avant que des analyses plus poussées ne permettent d’identifier la cause exacte de sa montée de fièvre fulgurante.
Je baisse alors les yeux et sens mon sang monter en flèche : le sol est sale, très sale. Je passe un mouchoir humide par terre. Il est grisâtre. Des gouttes éparses de Bétadine traînent ici et là. Nous sommes pourtant dans une clinique privée. Privée. D’hygiène ? « Privée » implique naïvement dans mon inconscient « plus chère, donc meilleure ». « Privée » devrait plutôt être entendue ici en tant qu’adverbe et non en tant qu'adjectif. J’ai déjà mis les pieds dans des hôpitaux publics au Maroc et ils étaient bien plus propres. Furieux, nous appelons les infirmières de nuit. Deux d’entre elles, non pas en fin de carrière mais en fin de vie, arrivent alors d’un pas nonchalant et affichent une moue boudeuse. S’ensuit un dialogue de sourd où il semble vain de leur faire admettre l’idée que l’état des lieux est médicalement inacceptable. Ce n’est qu’au petit matin qu’une dame viendra nettoyer le sol. « Ah bon ? Pourtant on nettoie tous les jours ! » (Et ta sœur connasse ?... désolé, ça, c’était moi en voix off…).
(…)
Je prends un café dans le couloir. Il y a trop de bruit, ce n’est pas vraiment propice au repos des malades. Le voyant lumineux situé au-dessus de la porte d’entrée d’une des chambres du couloir se met à clignoter, signifiant qu’un malade a activé sa sonnerie pour appeler une infirmière. Les minutes s’écoulent, personne ne vient. Le patient de la chambre se met à hurler. Personne ne vient. Il crie « Khadija, Khadija !». J’accoure vers la loge des infirmières pour les prévenir, un voyant clignote pourtant sur leur tableau de bord, mais elles sont tranquillement assises à siroter un thé à la menthe. « M va mieux ? ». « Non il ne s’agit pas de M. Un autre patient a besoin de vous ». Retourné au couloir, le patient qui hurlait, un vieux monsieur chétif, est debout à la porte de sa chambre. Son avant bras droit pisse le sang. Sa perfusion s’est détachée de son bras et le sang coule à flots. L’infirmière arrive en traînant des pieds. Le patient me regarde d’un air triste et vide, désespéré.
(…)
Une pseudo-infirmière vient faire une prise de sang à M. Elle s’y prend atrocement mal et lui explose 4 veines. « Tiens, je ne sais pas pourquoi ça ne marche pas, M a les veines vraiments fines. Je vais peut-être attendre le professeur D pour qu’il essaie ». On l’éjecte de la chambre illico presto.
(…)
Le lendemain, l’état de M s’est stabilisé mais la fièvre ne baisse toujours pas. Les médecins décident alors de faire entrer M en réanimation pour y suivre des soins intensifs et pratiquer des analyses plus poussées. La véritable raison est plutôt de faire grimper la facture car les soins reçus auraient aisément pu être administrés en chambre et que l’accès à la réanimation génère un surcoût substantiel.
(…)
L’anecdote du jour. Vers le milieu de l’après-midi, un diplomate guinéen et son épouse, amis du frère de M mais qui ne connaissent pas M viennent pour lui rendre visite. Par politesse paraît-il. L explique aux visiteurs que ce n’est clairement pas envisageable et que M est en réanimation. Surgit alors la directrice de la clinique qui invite les visiteurs à entrer en salle de réanimation pour voir M. A s’insurge et refuse catégoriquement. La directrice déclare alors sur un ton pédant : « Je suis la directrice de cette clinique et j’en prends la responsabilité. En plus ce sont des diplomates ! ». A et L la fustigent de leur verbe, ne lui laissant guère l’occasion d’ajouter une quelconque palabre. Elle finit par tressaillir et se fait toute petite. Heureusement que je n’étais pas là à ce moment là. Je n’avais qu’une envie lorsque l’on m’a rapporté ces faits : déboîter une mâchoire.
(…)
Le surlendemain, M, dont l’état de santé s’est enfin amélioré, est en état de regagner son domicile pour y poursuivre sa convalescence.
Nous allons à l’accueil récupérer les garanties laissées à notre arrivée : une carte d’identité et un chèque d’un montant estimatif mais généreux réclamé à notre arrivée. Ce dernier était indispensable, autrement l’entrée des urgences nous aurait été refusée si nous n’avions pas avancé rubis sur l’ongle cette somme.
Il paraît que les médecins font le serment d’Hippocrate… Foutaises. Money as usual.
Nous demandons la facture et j'en entame la vérification : une nuit de trop a été rajoutée, les médicaments que M avait amenés avec elle ont été refacturés alors que la clinique ne les a jamais fournis, et le prix des analyses de laboratoire m’a soudainement donné envie d’être laborantin.
C’est ce genre de micro-événements qui me découragent de revenir chez Mère Patrie un jour.
Besoin d’une clinique ? Vous savez où ne pas aller…
At 12/22/2005 04:15:00 AM, Najlae
C'est vraiment ecoeurant...
Au moins,si tu vas depenser de l'argent,autant avoir droit a un service sans failles...Quand je vois l'hopital ou mon neveu est ne...(public). J'ai entendu quelqu'un dire "c'est mieux qu'un hotel". Mais bon,la question n'est pas que ca soit mieux qu'un hotel ou pas,mais qd on va a l'hopital,c'est qu'on souffre deja d'y voir un proche. Pas besoin de cette mediocrite en plus..
No wonder people emigrate..A little bit of dignity.
C'est triste !
J'en ai passé des séjours dans des cliniques comme ca. Enfin un peu mieux parce que j'ai toujours eu mes propres médecins traitants qui se déplaçaient. Mais je me souviens que même dans ces cliniques qui coutent bonbon, on était obligés de ramener des friandises et des "gouter" aux infirmiers...
J'ai été hospitalisée en Espagne une fois dans le publique, impeccable.
Tellement impeccable que j'ai trouvé ca suspect !
At 12/24/2005 09:59:00 PM, meriem
C'est navrant, vraiment. Comment peut-on être aussi insensible à la détresse d'un humain malade? la seule fois où j'ai mis les pieds dans un hopital public au maroc c'était celui de Tanger (mohamed V), et j'ai failli tomber dans les pommes tellement c'était sale. mais quand on voit que certaines cliniques privées sont aussi mal foutues, c'est encore plus inacceptable!!
pour ma part je suis née dans cette clinique.. heureusement trop petite pour m'en souvenir (1982), mais déjà à l'époque j'ai eu droit aux anecdotes "crasseuses" de Momon.. et surtout l'incompétence d'une bonne partie du personnel médical. c'est bien triste.. bien heureuse finalement de m'être faite opérée avant mon retour aux sources!!
P.S: j'aimerais bien que tu m'éclaires sur la façon d'intégrer des vidéos au blog.merkiii
At 1/01/2006 04:42:00 PM, Amine
Najlae>Ton neveu, C T aux US, voilàa la différence...
"No wonder people emigrate..A little bit of dignity.". Fully agree.
Lady M> G oublié de mentionner ce détail, on a effectivement dû faire "goûter" les infirmières...
Lebaroude>C'est une honte effectivement... Mais le plus désolant est que l'équpe médicale sur plus, malgré nos coups de gueule, trouvait cela finalement normal...
Kad> Non mais depuis quand tu m'appelles gamin toi... je te rappelle que c'est toi qui est reparti sur les bancs de l'école ma poulette! :-)
Nadia> Désolé que cela ait évoqué de trists souvenirs...
Meriem> cqfd.
Lili> On devrait inventer le concept de quart-mondiste...
Saïga> Figure-toi que je suis né aussi dans cette clinique. C T différent à l'époque, elle était digne de s'appeler clinique d'aprèes mes parents. Ca a changé depuis...
Pour les vidéos, fais un tour sur vpod.tv ou plus smiplement sur www.dailymotion.com. Si tu as besoin de plus d'infos, n'hésite pas!
c vrai que ce que tu rapportes est choquant, mais je n'apprecie pas que tu denigres les medecins, je ne defends personne mais une clinique n'est pas la règle pour tous. je travaille dans un hopital public ( j'y fais mes stages d'étudiante) et c'est pas aussi cata que tu le decris. c dommage de voir qu'il existe des trucs pareils. mais n'en fait pas une généralité please, il ya tellement de bons et d'honnêtes médecins.wish you are starting to be convinced.
At 1/02/2006 06:36:00 PM, Amine
Zineb> Tu devrais "essayer" de lire correctement un article avant de t'amuser à t'énerver sur un clavier...
1. Je ne dénigre aucun médecin. Si je dénigre, quelque chose, c'est une clinique et des infirmières incompétentes.
2. A aucun moment je n'ai généralisé: je ne parle que d'UNE seule clinique, celle du Val d'Anfa.
3. Je précise même dans mon article "J’ai déjà mis les pieds dans des hôpitaux publics au Maroc et ils étaient bien plus propres." Donc au lieu de généraliser, je dis le contraire en disant qu'il y a mieux ailleurs, et en l'occurence au Maroc...
4. En quoi je dis du mal des médecins STP? Je ne parle que de l'incompétence des infirmnières et de l'irrresponsabilité de la directrice de la clinique... Au contraire, je mets en valeur le travail du médecin du SAMU qui a fait un bon diagnostic et celui de l'interne qui nous a accueilli à la clinique...
"Wish you are starting to better read"...
Cordialement,
Amine.
ok, j'avoue! je me suis laissée emporter à ma première lecture. mes plus sincères excuses donc!
mais tu sais, j'entends tellement de choses et en plus la situation de la santé au Maroc n'a rien d'enviable.
j'apprécie ton style ( ce n'est pas une flatterie gratos!) c léger et bien écrit.
je le lirai souvent
Dommage que je sois venue un peu en retard, je devais lire ce post bien avant.
Mais bon, il n’est jamais trop tard pour commenter ;-) n’est ce pas Amine ?
Cette journée que tu as passée, fait partie mon quotidien. Je vis ça tous les jours, et je finirai par péter un cable. Nous sommes misérables, mais c’est pas pour autant qu’il faut travailler misérablement. L’hygiène est l’élément qui manque le plus à la santé marocaine ;-) c’est triste !!!!
J’ai adoré ton post…