Wednesday, August 24, 2005
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Ibrahim Ferrer, c’était une dégaine : celle d’un papy souriant coiffé d’une casquette masquant à peine deux yeux rieurs. Ibrahim Ferrer, c’était une voix, belle et chaude, qui savait à merveille interpréter les boléros. Le chanteur cubain, mort samedi à l’âge de 78 ans, a été enterré lundi à La Havane.
Ils doivent se faire de sacrés bœufs là-haut... Au paradis des musiciens, le chanteur cubain Ibrahim Ferrer, décédé samedi 7 août 2005 à 78 ans, a retrouvé ses camarades du Buena Vista Social Club, le chanteur Compay Segundo (mort en juillet 2003) et le pianiste Ruben Gonzales (mort en décembre 2003). L’homme « à l’éternelle casquette et à la voix d’ange » comme l’a décrit son ami d’enfance et ancien animateur radio Eduardo Rosillo, a été enterré lundi, au cimetière Colon de La Havane, au son de son boléro préféré et de circonstance, « Mil congojas » (« mille tristesses »). Plus de 200 personnes ont accompagné son cercueil et sa tombe a été fleurie de dizaines de couronnes de fleurs, dont la plus grande a été envoyée par le Président Fidel Castro.
Le crooner au regard doux était bien plus connu à l’étranger que dans son propre pays et c’est en Europe qu’il a donné ses derniers concerts, lors d’une tournée d’un mois qui l’avait conduit en Espagne, aux Pays-Bas, en Suisse, en Autriche, en Grande-Bretagne et en France. La France, où il a donné son dernier concert, mardi 2 août 2005, dans le cadre du festival Jazz in Marciac. Il y était alors apparu très fatigué et a été hospitalisé dès son retour à Cuba, mercredi, pour des symptômes de gastro-entérite. « Ibrahim était une personne digne d’admiration, non seulement comme musicien, mais aussi comme père et comme époux. Il a terminé sa tournée avec beaucoup de courage. Nous sommes très affectés », a déclaré sa femme, Caridad Diaz.
Amour des boléros
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Né en 1927, à San Luis, près de Santiago, Ibrahim Ferrer était orphelin depuis l’âge de 12 ans. C’est à 14 ans qu’il commence à travailler pour survivre mais aussi à chanter dans les bals de quartier. Il créé son premier groupe, Los Jovenes del Son, alors qu’il est vendeur de journaux et de gâteaux. En 1953, il entre dans la formation du prestigieux chanteur Pacho Alonso avant d’être repéré par le célèbre Orquestra Chepin-Choven. En 1995, il enregistre un tube : « El Platanar de Bartolo » (« la bananeraie de Bartolo »), mais le succès du morceau ne lui sera pas attribué. En 1957, il part tenter sa chance à La Havane et travaille avec la légende de la musique cubaine, Benny More.
Chanteur et cireur de chaussures...
Malgré sa voix et ses dons d’interprète, il n’arrivera jamais à s’imposer et se fera régulièrement « rouler » dans ses contrats. Il est obligé de travailler le jour pour chanter la nuit, tour à tour maçon, peintre en bâtiment, docker, menuisier, et même scaphandrier dans le port de La Havane ! Ecoeuré par le milieu, il prend sa retraite musicale en 1991. C’est le guitariste californien Ry Cooder, qui enregistre avec des vétérans du son cubain traditionnel, qui va le sortir de l’anonymat dans lequel il est tombé. Alors qu’il est cireur de chaussures pour palier à la somme dérisoire de sa pension, il chante sur l’album Buena Vista Social Club, enregistré en 1997.
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Maestro, habias cantado "Huerfanito". Ahora somos tus huerfanos... Gracias por tu legado.