J'ai rencontré M. ici : 37°10'34.53" N / 3°36'11.63" W, le 30 décembre dernier à Grenade.
Nous venions de visiter la Capella Real, oeuvre d'Enrique Egas de style gothique Isabélin, construite au 16ème siècle par les rois catholiques pour leur servir de mausolée. Sortant par la Calle Oficios, je regardais la façade de l'ancien Hôtel de ville, qui bien avant fut la Madraza de Grenade, quand j'entendis M. discuter avec des touristes et leur expliquer la signification de vers de poésie qu'il récitait en arabe puis traduisait en castillan.
Foulard palestinien autour du cou, barbichette poivre et sel, fines lunettes derrière lesquelles ses yeux clairs sourient en permanence. Je le salue en arabe, il me répond, mi-intrigué, mi-amusé. M gagne sa vie en vendant des petites caligraphies qu'il dessine lui-même dans la rue, principalement les noms de touristes venus visiter la Cathédrale de Grenade. Pris d'un mouvement de panique, alerté par un vendeur de babioles posté à une dizaine de mètres, il esquisse des regards subreptices de chaque côté de la petite venelle où nous nous trouvons tout en rassemblant discrètement ses affaires. Le souffle coupé, il marque un arrêt, puis déserre les doigts de la pile de feuilles qui lui servent de gagne-pain. Il m'explique que c'est une fausse alerte. La Guardia Urbana lui a embarqué tout son matériel la semaine passée, ses petits roseaux de bambou inclus, le réduisant à devoir utiliser désormais de quelconques markers Staedtler pour réaliser ses calligraphies.
M. est irakien, professeur, a quitté son pays en 2001, a vécu 3 ans en Jordanie avant de se rendre en Egypte. Il est en Espagne depuis 6 mois. Le regard vif, il me raconte quelques bribes de sa vie en usant et abusant d'autodérision. Je l'écoute, attentivement, il n'est nullement prolixe et me livre son récit avec parcimonie.
Je lui demande comment cela se passe en Irak, pour sa famille, s'il a des nouvelles.
Il marque un long temps d'arrêt, baisse les yeux, humides, retire ses lunettes, essuie ses verres, les remets sur son nez, relève la tête lentement vers le ciel, et dans un souffle prononcé, des tremolos dans la voix, ahane :
"Ya Rab, Ya Rab...".
Il se met à m'observer, sourit, et me demande si je suis allé visiter La Rouge, l'Alhambra. Je lui réponds que oui. Je préfère ne pas l'importuner plus longtemps. Il me dit qu'il rêve d'aller au Maroc, que depuis toujours il souhaite aller à Fès. Il m'explique que pour l'instant ce n'est pas possible, ses papiers ne sont pas en règle, il ne peut voyager. Il plaisante alors en me disant qu'il s'y rendra peut-être en patera, qu'il sera probablement le seul à vouloir traverser le Détroit dans ce sens.
:( Ca m'a raplé la fois ou j'ai été a Florence... J'ai vécu a peu près la meme chose, mis a part le fait que c'etait un marocain, et qu'il gravait sur du bois le nom des touristes en arabe...
La calligraphie est un art, très difficile a maitriser...
Zut je sais pas quoi dire...
"Il marque un long temps d'arrêt, baisse les yeux, humides, retire ses lunettes, essuie ses verres, les remets sur son nez, relève la tête lentement vers le ciel, et dans un souffle prononcé, des tremolos dans la voix, ahane :
"Ya Rab, Ya Rab..."." c'est mon passage prefere, les irakiens ne méritaient pas ce qui leur est arrivé...
En parlant de Fès, dommage qu'elle soit negligée, qu'on n'ai pas su la mettre en valeur... Pourtant elle regorge de richesse, et laisse derrière elle une histoire glorieuse...
At 2/16/2006 10:31:00 AM, Amine
Bsima> A Florence je n'en avais pas rencontrés, mais à Venise si, ils vendaient des faux sacs Vuitton... la même misère, la même tentative de survie... Je me sens très con à chaque fois...
Najlae> Merci miss, content que la scribe de Berkley apprécie...
Iskander> Ravi de ta visite hombre! Grenade est très émouvante en effet. Sublime.