Sunday, March 05, 2006
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En revanche peu s'émeuvent outre-Atlantique du gavage des hôtes de marque du Pentagone dans le désormais célèbre Resort sans étoiles de Guantamo. Les médecins militaires des lieux, animés d'un humanisme et d'un altruisme admirable, ont entrepris mettre fin à la grêve de la faim de certains de leur détenus en les nourrissant par la force. "Attachés à des chaises spéciales, parfois plusieurs heures par jour, pour être nourris par des tubes sans avoir la possibilité de vomir volontairement" (repris du NYT par Le Monde). Jeremy Martin, porte-parole de la base militaire de Guatanamo, a même osé affirmer que les prisonniers étaient alimentés "de façon humaine et avec compassion".
De façon humaine et avec compassion.
Avec des tubes enfoncés par le nez et le gorge qui descendent jusqu'à l'estomac.
De façon humaine et avec compassion.
Et comme certains détenus se seraient fait vomir de force à la suite de ces gavages, les designers de la maison blanche et du Pentagone ont dû trouver une parade pour les obliger à digérer leurs repas. Leur choix s'est donc porté vers la Restraint Chair de la société E.R.C. Inc. Celle-ci ayant par ailleurs recommandé de ne pas maintenir attachés les détenus sur leur chaise plus de deux heures, les militaires de la base ont donc conclu qu'il fallait les nourrir de force encore plus vite pour laisser assez de temps à la digestion. Ils ont donc pris des tubes plus gros pour faire passer plus de liquide.
De façon humaine et avec compassion.
Cette dégoûtant histoire m'a ramené vers un récent billet d'Eric Fottorino, chroniqueur au Monde, que j'avais récemment repris intégralement sur ce blog:
"Conte indien. Un chef parle à son fils de la vie. Il lui dit que l'homme abrite en lui deux loups qui se combattent. Un loup maléfique et plein de ressentiment. Un loup profondément bon et pacifique. L'enfant demande lequel des deux finit par gagner. Son père répond : "Celui que tu nourris." Depuis quatre ans le 11 janvier, des hommes arrivés enfants à Guantanamo croupissent dans leurs cellules, attendant un jugement. En eux le loup du diable doit être très bien nourri, de vengeance et de haine."
Article paru dans l'édition du 13.01.06, Le Monde. Le lien ici.